dans les concerts montréalais, une nouvelle tendance émerge chez les spectateurs, tendance qui, je crois, est en lien direct avec l'étalement virtuel de nos vies via les blogues, facebook et autres flickr. quelle est-elle? dur à dire, pourtant un symptôme de cette tendance pernicieuse m'est apparu clairement hier soir: la prolifération des photographes improvisés!
les appareils numériques ont littéralement démocratisé la prise de photo, ce qui est une bonne chose. il coûte de moins en moins cher pour un bon appareil et victoire, plus besoin de se trimbaler avec des pellicules de rechange (je m'attends à cet effet qu'on rende disponible sous peu une carte mémoire de 1 tetraoctet!).
démocratisation donc. par contre ce n'est parce que les prix des appareils multifonction style «réflexe» descendent qu'il est donné à tout le monde de prendre de bonnes photos. et ce n'est pas non plus parce qu'on a accès à une carte mémoire de 8 giga pour un concert d'une heure 30 que nous devons prendre 12 photos pas bonnes à la seconde.
je peux comprendre que certaines personnes, volages de la postmodernité et de ces avenues 2.0, soient désireuses de garnir leur blogue et leur page facebook de photos de leur dernière soirée hip et funky quelque part dans le Mile-End. ce que je ne comprends pas c'est pourquoi certains fans paient un billet de concert pour passer la soirée à prendre des photos floues. gaspillage de temps et d'argent! pourquoi ne pas plutôt être attentif à ce qu'il se passe sur la scène et écrire un compte-rendu lucide du spectacle de la veille.
une image vaut mille mots qu'on dit? mille mots valent tant qu'à moi beaucoup plus qu'un paquet de photos croches, embrouillées et, de surcroît, prises en état d'ébriété.
n'est-ce pas paradoxal, la photographie a pour fonction de capturer pour l'éternité un moment arrêter de l'histoire. la photographie est un art, une vision du monde, une réflexion sur le présent, le passé et le futur. mais ce n'est pas tout, la photo c'est un aide-mémoire. un instantané. l'image a pour fonction de susciter une réaction en chaîne et de provoquer le souvenir. avec une seule photo du passage de pearl jam dans la métropole en 98, il est possible de se rappeler par exemple, qu'ils ont joué not for you avant le rappel, qu'ils sont revenu sur scène avec dirty frank (une rareté en passant) et que le gars assis à côté de moi portait une veste en jeans avec les manches coupées, fumait des craven-a et du coup, chantait vraiment comme une casserole.
que j'aie pris cette photo ou que je la retrouve dans un cahier de scrapbooking au fond ça ne dérange pas. l'important est que j'ai bel et bien un souvenir franc de cette soirée.
pour les websters (mettons), le concert est en fait accessoire. la salle de spectacle montréalaise est leur temple: sanctifiant les jeunes-gens, beaux, branchés et allumés. bref c'est le lieu de choix pour être vu par le gratin musico-artistique-cool pseudo-underground du 514. les concerts qu'on y présentent n'intéressent personne au fond. transis qu'ils sont par le petit écran de leur appareil photo, les fans médiatisent leur expérience de la scène alors qu'ils se trouvent à peine à 3 mètres de celle-ci.
cette attitude reflète le côté pervers du réseautage social, du 2.0 et de leur accès instantané à même un portable: par les avenues de la technologie nous en sommes venu à médiatiser notre expérience vécue. on se distancie de notre quotidienneté pour se projeter via un avatar, dans une plateforme virtuelle futile et fausse.
c'est dans cette logique je crois que 2000 photos laides sur un blogue deviennent plus intéressantes qu'un texte réfléchi. c'est peut être pourquoi aussi on achète un appareil photo dernier cri sans prendre le temps de comprendre comment ce dernier fonctionne (de toute façon on ne prendra pas plus le temps de prendre des photos, vous me suivez?).
à l'époque de la fibre optique on n'a plus le temps pour rien, pas même pour écouter lors d'un spectacle.
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