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lundi 9 août 2010

je fais juste regarder

nous l’avons tous déjà fait. sans exception. que ce soit avec un petit sourire en coin ou encore en dévisageant notre interlocuteur, dire «je fais juste regarder»* à un employé de commerce au détail alors qu’on tripote la marchandise. rien de plus commun.

*tout dépendant du lieu de résidence du client ou de sa classe sociale, ne soyez pas surpris d'entendre à l'occasion: je fais jussse regarder.

nous l’avons tous fait disais-je. se faire saluer et répondre, pris de panique, avec l’attitude du caïd de banlieue se faisant prendre la main dans le sac «je ne fais juste regarder».

vous l’admettez? vous l’avez déjà fait? bon, voici alors mon point : y-a-t-il phrase plus moche à entendre que cette dernière? en fait, je commence à être plus que convaincu que ladite phrase doit être aussi désagréable à entendre qu’elle est ridicule à prononcer.

alors pourquoi y avons-nous recours demanderais-je? le consommateur québécois est-il tétanisé à l’idée de rencontrer un «vendeur» dans un magasin à grande surface? non. une telle attitude serait aussi absurde que de s’offusquer que l’on vende de l’alcool à la SAQ. le client d’ici est-il sinon suspicieux des réelles intentions dudit vendeur? je l’entends se questionner : « pourquoi il me salue se dit-il, il doit être payé à la commission. serai-je victime de vente à pression? mes besoins seront-ils pris en considération?»

tant de lourdes questions pèsent sur les épaules du consommateur d’ici. ouh… mais quelle catastrophe! un vendeur qui vend n’est-ce pas là une chose étrange?

ok alors, admettons que la raison de cette réponse moche est due à la peur d’être floué par un vendeur-conseiller se souciant que de ses commissions. pourquoi alors prétendre regarder alors que la motivation latente à tout consommateur est d’acheter?

un client qui achète, voilà une autre chose surprenante.

je ne veux pas être vulgaire ici, mais si les «clients» des bars de danseuses «regardaient» comme mes clients regardent, il me semble que ces établissements seraient le théâtre de beaucoup plus de scènes de boxe et de coups de pied au cul… mais passons.

alors la peur d’être floué ne tient pas la route à elle seule comme facteur explicatif de ce réflexe. jumelée à une autre piste, il me semble que nous nous approchons davantage de la psyché du consommateur d’ici. ce deuxième facteur tient dans la grande confiance en soi du consommateur d’ici.

le québécois moyen, qui soit dit en passant porte du extra-large, connait son affaire! c’est pas des farces, il est big. Donc nul besoin de l’aide d’un ado-vendeur payé au salaire minimum. de toute façon à quoi bon demander de l’aide, son beau-frère l’a déjà mis au fait de ce qu’il avait besoin. il n’y a pas à dire, le consommateur québécois en est un fier, de souche : the real thing, comme ils disent dans les cantons de l’est.
le client d’ici connait tellement son affaire qu’il n’hésite pas, le dos bien droit, à «enseigner» à son entourage les bienfaits des dernières technologies. voyez, c’est que ses connaissances transcendent le sens commun.
Mais revenons à notre programme principal (!), d’où vient donc cette attitude? héritage refoulé d’une condition de colonisé et de yes man? peut-être, bien que d’ordinaire je n’affectionne pas les arguments de type «pierre falardeau». imbécilité heureuse? c’est un peu fort. amalgame de dilettantisme et de conformisme serait plus juste. en fait cette combinaison semble bien coller à la réalité.

finalement, nous ne savons toujours pas  pourquoi, par réflexe, nous disons que nous ne faisons que regarder, mais peut-être avons-nous débroussaillé une piste qui nous permettra de comprendre la question plus large du pourquoi nous en faisons autant. (j’ai l’impression que cette dernière phrase est à la fois lourde et désespérément vide de sens…)

nb. cette chronique ne s’était pas donné comme objectif d’exploiter le cynisme dans son argumentaire. il semblerait qu’il en fût autrement. c’est pourquoi j’ajouterais que le consommateur bien de chez nous n’a qu’une carapace répulsive. une fois percée, nous retrouvons l’essence des gens d’ici : une écoute, une grande générosité et une bonne humeur contagieuse.

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